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Les révélations d’Imposture

La semaine dernière, j’ai ouvert les hostilités en te racontant quelques approches masculines des plus minables.

Et Imposture ne s’est pas fait prier bien longtemps pour participer à notre grande saga des plans drague foireux.

(je vous rappelle d’ailleurs que toute contribution est la bienvenue par ici)

Je te laisse donc avec Imposture et son plan foireux à lui, qui a certainement dû arriver à beaucoup d’entre vous nous. Ceci dit, personne n’arrivera à la raconter comme lui ;)

Chère Anna,

Il fait tellement chaud en pays nîmois, que je me suis rabattu sur une terrasse ombragée et ai branché un MacBook emprunté afin de vous narrer une histoire de rencontre virtuelle pour votre blog et sa nouvelle rubrique « Plans drague foireux ». Si cela vous convient et si ce n’est pas trop long, bien entendu.

– + –

Qui n’a jamais essayé une fois dans sa vie, juste comme ça pour voir, par simple curiosité ou dans l’espoir d’être émoustillé(e) par une rencontre improbable ? Je veux parler de s’inscrire sur le site Rencontric. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet sur mon blog et ne cache ma consommation de ce site il y a quelques années. De cette expérience qui dura environ un an, j’en ai tiré quelques enseignements supplémentaires sur la nature féminine et aussi sur celle des hommes ; je ne balancerai pas, mais des amies m’ont trop souvent parlé de goujaterie.

Et goujat, je l’ai été. Une fois.

Mais je plaide les circonstances atténuantes.

– + –

Elle s’appelle Juliette. Grâce aux « outils »de Rencontric, j’ai activé une série de filtres pour trouver la perle rare parmi les milliers de demoiselles cherchant le grand amour ou une partie de jambes en l’air ou rien du tout, en Île-de-France. C’est ainsi que Juliette apparaît sur mon Mac. Enfin, c’est un grand mot puisqu’elle n’a pas jugé utile de mettre une photo pour agrémenter sa «fiche». Mais est-ce nécessaire ? Je suis un homme qui certes accorde un peu d’importance au physique, mais a surtout besoin que ses neurones soit agités. Je sais aussi pour avoir eu d’agréables surprises que l’absence de photo n’est pas forcément mauvais signe. Des filles qui sont belles et le savent, y renoncent pour éviter de recevoir des « flashs » et des « messages » de hordes de mâles en rut. Et puis au cours des échanges, on peut toujours demander une photo…

La «fiche» de Juliette est tentante : 1m65, mince, sportive, brune, yeux verts ; elle aime le cinéma, le rock, la littérature et semble avoir du goût. Son annonce retient mon attention, assez pour que je lui adresse un message.

Juliette me répond le jour même. Son message est court et bien rédigé avec une pointe d’humour.

Nous échangeons quelques « banalités » sur nos vies professionnelles, l’âge des enfants, depuis combien de temps sommes-nous divorcés, etc. mais à chaque fois, nos messages se concluent par une petite devinette, une référence à un bouquin, une réplique de film – une femme qui aime Les Tontons Flingueurs gagne immédiatement 50 points -, un disque, une citation…

Nous nous prenons à ce jeu. Nous sommes en 2003 et Internet n’est pas aussi addictif qu’aujourd’hui. Nous ne relevons nos messages qu’une fois par jour et tels des ados, nous attendons le facteur Rencontric. Juliette et moi sommes dans une relation épistolaire de haut niveau. Mes neurones jubilent. Les siens aussi, certainement.

Un jour, je lui confesse que l’épistolaire, aussi brillant soit-il, ne peut pas être une fin en soi et lui propose de prolonger toutes ces discussions riches autour d’un verre, ou mieux dans un bon restaurant ; nos échanges gagneront certainement en profondeur via le ping-pong naturel et vivifiant de la conversation entre deux êtres humains.

Elle hésite.

Mais contrairement à ce qui arrive dans ce cas de flottement lié au passage du virtuel au réel, notre correspondance s’enrichit. Juliette me parle alors d’elle. Quand je dis elle, c’est de son corps, de ses désirs, de ses envies. Mais rien de coquin ou grivois, bien au contraire : des suggestions fines et élégantes. L’essentiel de nos échanges reste intellectuel, sur nos goûts de plus en plus communs, nos découvertes passées et récentes en littérature, art, cinéma, musique. Mais cette fois nos courriels se terminent par des « contacts physiques ». Ainsi « intellectuel » et « physique » se mélangent virtuellement avec une harmonie troublante…

Plusieurs fois je lui laisse mon numéro de portable et elle me répond avec tact sa peur de franchir le pas.

– + –

C’est un vendredi que Juliette décide d’entrer dans ma vie. La vraie…

Je suis en réunion à l’agence. Mon portable vibre et affiche un SMS : « Je peux me libérer ce soir. Juliette ». Je suis troublé et surpris en même temps. En m’envoyant ce SMS, Juliette, qui l’avait jusqu’à présent refusé, me donne la clé de sa vie réelle et privée : son numéro de téléphone. Je m’excuse auprès de mes collaborateurs, quitte mon bureau et l’appelle.

On se parle comme si c’était la vingtième fois. Sa voix a un joli timbre, charmeuse, séduisante, c’est ça, séduisante. Comme elle habite à quelques kilomètres de ma Cité Royale et que la vie nocturne y est manifestement plus dense que dans son village, nous convenons de nous y retrouver à 18h. Elle sera garée devant le Monoprix. Bah oui, il faut bien des repères universels… Je lui envoie un SMS soulignant la douceur de sa voix, elle me répond charmée par la mienne. Je retourne à ma réunion. Sauf que j’ai 17 ans dans ma tête…

Ma journée de travail ne se déroule pas tout à fait comme prévu et en route, dans mon RER, je lui adresse un SMS : « réunion un peu plus longue que prévue, un quart d’heure de retard. Plates excuses. Bises ».

J’arrive en ma Cité Royale, grimpe quatre à quatre les marches de la station du RER, reprend mon souffle face au Château et sa place agitée des vendredis soirs. Les terrasses des 3 brasseries sont déjà animées et je pense que débuter notre soirée autour de quelques mojitos ici serait une bonne option. Je l’appelle pour lui dire que je suis là, enfin à 2 minutes, le temps de remonter quelques rues piétonnes aux airs d’Aix-en- Provence que nous reprendrons ensuite tous les deux.

Bizarrement, je sens une légère tension dans sa voix. Elle me décrit sa voiture, une Fiat Uno verte.

Enfin, j’arrive au fameux Monoprix.

La Fiat est là et je devine Juliette derrière les reflets du pare brise. Je m’approche, elle m’aperçoit. La portière s’ouvre.

Juliette sort.

Nous sommes face à face, quelques centimètres ont pris la place de dizaines de emails, de flux, de clics et de ces ultimes SMS préliminaires.

Juliette est là.

Enfin.

Je suis un peu gêné. Je lui dit bonjour.

On s’embrasse. Pour de vrai.

Elle me parle.

Non seulement c’est elle, mais en plus elle a la même voix, le même ton, le même débit.

Exactement.

Zezette du Père Noël est une ordure.

Travelling Hitchcock : le Monoprix recule, la rue s’enfonce et elle, occupe tout mon champ visuel ; elle me parle. Enfin je vois ses lèvres bouger. J’espère une sombre erreur, une coïncidence extraordinaire, une farce du hasard, qui sait un bug stupide de ce site qui fut le nid douillet d’un futur amour naissant ? c’est ça ! une Rencontric Girl qui me prend pour un autre Rencontric Boy qui lui-même la prend pour une autre Rencontric Girl : un quiproquo impossible.

Non. C’est bien elle. Juliette-Zezette.

– + –

Oui, votre honneur, je me suis comporté en goujat. Et je plaide les circonstances atténuantes. Ou plutôt aggravantes. Car cette femme a dû demander à sa soeur ou une copine de rédiger tous ses mails, je ne vois pas d’autres explications.

Goujat, toute la « soirée », j’ai été !

Je n’ai pas jugé utile de lui proposer de boire des mojitos. J’ai opté pour une crêperie très fréquentée. On n’y fait que manger des crêpes. C’est tellement bruyant que toute conversation est impossible. L’affaire a été réglée en moins de trois quarts d’heure. J’ai ensuite proposé à Juliette-Zezette de la raccompagner à sa voiture. Il devait être à peine 21h05. Arrivée à sa voiture, j’ai discuté. Disons, que j’ai tenté de l’écouter. Elle a regardé sa montre et m’a dit qu’elle avait encore du temps. Elle m’a demandé si je ne pouvais pas l’inviter à boire quelque chose chez moi. J’avais eu la stupide prétention de lui décrire dans un de mes mails mon appartement dans un hôtel particulier situé à deux pas du Château, dans le vieux centre ville historique tout en architecture XVIIe.

Je ne pouvais pas dire non, votre honneur.

Nous sommes arrivés chez moi.

Je ne lui ai pas proposé de poser sa veste. Ni son sac. Je ne lui ai pas proposé de s’asseoir sur mon confortable canapé. Elle a observé mes 500 CD. Je lui proposé d’en écouter aucun. Je ne lui ai proposé du thé ou du thé. Elle a choisi thé. Je lui ai tendu un mug avec un thé tiédasse. Elle l’a bu. Debout. Je suis également resté debout. À un mètre environ. Un silence s’est installé. Long.

Juliette-Zezette a regardé à nouveau sa montre et a dit : «Je crois que je vais rentrer».

Je l’ai raccompagnée à sa voiture. Je lui ai dit au revoir.

– + –

Le lendemain matin, le facteur Rencontric m’a apporté une lettre :

« Je crois que hier soir ça ne l’a pas fait. »

Je me demande encore si ce n’est pas l’unique fois que Juliette m’a écrit.

– + –

Bien entendu, chère Anna, Juliette, n’était pas son vrai prénom.

Je l’ai changé.

D’ailleurs comment elle s’appelait ?

Ah oui !

Isa…

Oups.

© imposture / Derrière le Paravent Suédois

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